26.02.2008 Nicolas Sarkozy accusé de dévaloriser la fonction présidentielle en France
Nicolas
Sarkozy s’était approché d’un promeneur du salon et a voulu lui serrer
la main. Le monsieur en question, habillé en beige, s’est adressé avec
mépris au président en ces termes «Ah non…Touche moi pas…tu me salis». Quand Nicolas Sarkozy avait annoncé sa visite au Salon de
l’agriculture, nombreux étaient ceux qui avaient exprimé une vive
curiosité de savoir comment le nouveau président allait se comporter
dans ce temple du vote paysan et du lobby de l’agroalimentaire.
Allait-il, comme le stipulait la légende, passer un temps fou, comme
Jacques Chirac, à caresser avec délectation le cul des vaches et
s’extasier bruyamment devant l’inimitable qualité des produits du
terroir? Ou allait-il expédier aux pas de charge cette visite
obligatoire avec, au mieux, une ou deux annonces de circonstance sur la
manière de traiter les maux de l’agriculture française?
La presse
n’a retenu de cette sortie présidentielle que le pugilat qui a opposé
le président de la République à un badaud. Dans sa fougue à vouloir
absolument prendre des bains de foules et de serrer des mains anonymes
dans le secret espoir de gommer cette image «Bling Bling» qui lui colle
tant à la peau, Nicolas Sarkozy s’était approché d’un promeneur du
Salon et a voulu lui serrer la main. Le monsieur, en question, habillé
en beige s’est adressé avec mépris au président en ces termes «Ah
non…Touche moi pas…tu me salis». La réplique de Nicolas Sarkozy fut
foudroyante: «Casses-toi alors casse alors pauvre con!»
La caméra
du Parisien.fr, qui avait immortalisé cet instant, continue de
provoquer un des plus grands buzz du moment et obliger toute la classe
politique à réagir. Après l’incident où à des pêcheurs mécontents
avaient menacer de donner «coup de boule», celui du Salon de
l’agriculture a fini par pousser l’opposition à formuler des
interrogations et des critiques. Un des premiers à avoir ouvert le feu
est le premier secrétaire du Parti socialiste pour qui le président de
la République «ne doit pas se comporter comme n’importe quel citoyen,
il est le président de la République (…) On ne tombe pas dans le
pugilat, on n'interpelle pas un marin-pêcheur ou un ouvrier pour qu’il
vienne rendre compte ici de ce qu’il a dit, on ne rentre pas dans un
conflit avec quelqu’un qui ne vous serre pas la main».
Robert
Badinter, ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand, met son petit
grain de sel : «Je rêve d’une présidence discrète.(… )Il y a dans la
fonction présidentielle une forme d’incarnation de la nation (…) on
attend de celui qui a cette fonction qu’il l’assume avec toute la
dignité, la réserve, la distance convenable». Pour le vieux chef de
l’extrême droite, Jean Marie Le Pen, ce qui s’est passé au salon de
l’agriculture est «dérisoire et révélateur d’une grave erreur que fait
le président, à savoir de vouloir continuer une campagne électorale
comme s’il était candidat, alors qu’il est président».
Sans
commenter directement l’incident et solliciter pour donner son point de
vue sur Nicolas Sarkozy, Dominique De Villepin s’est lâché : «Il
pourrait être un bon président (mais) il y a malheureusement
aujourd’hui le sentiment d’un certain gâchis». Cette position avait
déjà été précédée d’une critique à peine voilée du style Sarkozy de la
part d’Edouard Balladur, mentor et père spirituel de l’actuel
président, dans une tribune publiée par le journal «Le Monde» du 23
février : «La sincérité n’est pas exclusive d’une certaine sobriété, la
rapidité de la décision n’interdit pas la concertation préalable. Il
n’est pas non plus indispensable (...) de créer tous les jours un
événement».
Sentant le danger qu’il y avait à laisser l’opposition
attaquer le président sur le terrain de la dignité et du prestige de la
fonction, la majorité a organisé la riposte et allumé les contre feux.
Pour le secrétaire général de l’UMP Patrick Devedjian, l’opposition est
de «mauvaise foi», elle reproche à la fois «une dérive monarchique» et
«un manque de Majesté». La ministre de l’Enseignement supérieur Valérie
Pecresse tente de minimiser l’incident : «C’est pas un agacement d’un
instant qui permet de porter un jugement ni sur la personnalité ni sur
l’attitude d’un chef de l’Etat». Brice Hortefeux joue la normalité de
l’instant : «Ce que je pense, c’est que les hommes politiques, ce ne
sont pas des carpettes sur lesquelles on doit systématiquement
s’essuyer les pieds (…) Nicolas Sarkozy s’est exprimé de manière à ce
que son interlocuteur le comprenne, eh bien moi je trouve ça très bien
que le président de la République s’exprime comme chaque Français».
Pour sortir de cette mauvaise passe, Nicolas Sarkozy n’a d’autres choix
que d’organiser la rareté de sa parole et la pertinence de ses
apparitions. Une tâche qui paraît insurmontable pour quelqu’un qui
éprouve une vraie addiction au Breaking news et la création
d’événements.
Par :
Mustapha Tossa DNCP à Paris
(www.aujourdhui.ma)