Alors que de
nombreuses voix se sont élevées pour contester sa légitimité, la loi
sur la rétention de sûreté, qui crée des centres d'enfermement à vie
pour les criminels dangereux, a été publiée, mardi 26 février, au
Journal officiel, après avoir été signée lundi par le président de la République et censurée partiellement jeudi par le Conseil constitutionnel.
Saisie par les parlementaires socialistes, les Sages du
Palais Royal, rappelant le principe de non-rétroactivité, ont estimé,
jeudi, que la rétention de sûreté
"ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi" ou
"pour des faits commis antérieurement"à cette publication. Ainsi, les premières rétentions de sûreté ne
pourraient être prononcées que dans quinze ans au minimum car la loi ne
vise que les détenus condamnés à plus de quinze ans de prison. Un
camouflet pour l'Elysée qui avait réagi dès le lendemain en annonçant
que le chef de l'Etat avait demandé au premier président de la Cour de
cassation
"de faire toutes les propositions nécessaires" pour parvenir à
"l'application immédiate de la rétention de sûreté".
Lundi,
le président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda, a accepté de se
pencher sur la question de la rétention de sûreté tout en refusant
toute remise en cause de la décision du Conseil constitutionnel. Le
premier magistrat de France
"a accepté le principe d'une réflexion sur le problème de la récidive et de la
protection des victimes, mais il est bien évident qu'il n'est pas
question de remettre en cause la décision du Conseil constitutionnel",a expliqué, lundi à l'AFP, Vincent Vigneau, chargé de mission de la
première présidence. Le chef de l'Etat lui a demandé lundi de lui
adresser ses propositions dans les trois mois.
"TOURNANT GRAVE"Le
Journal officielpublie le texte de cette loi, qui compte dix-huit articles, ainsi que
la décision du Conseil constitutionnel. En plus de la censure de la
rétroactivité, le Conseil a émis une autre réserve importante en
demandant que soit vérifié que la personne condamnée a pu bénéficié,
pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins
adpatés au trouble de la personnalité dont elle souffre.
Dans
Le Monde daté du 24 février, l'ancien garde des sceaux Robert Badinter avait estimé que cette loi constituait
"un tournant très grave de notre droit". "On crée l'emprisonnement pour raisons de
dangerosité, concept éminemment flou. Une personne sera enfermée, non
plus pour les faits qu'elle a commis, mais pour ceux qu'elle pourrait
commettre. On perd de vue l'un des fondements d'une société de liberté.
On est emprisonné parce que l'on est responsable de ses actes. Nous
passons d'une justice de responsabilité à une justice de sûreté. C'est
un tournant très grave de notre droit. Les fondements de notre justice
sont atteints. Que devient la présomption d'innocence, quand on est le
présumé coupable potentiel d'un crime virtuel ?" déclarait l'avocat. Dans un entretien au journal
Le Parisien-Aujourd'hui en France,
publié mardi 26 février, Nicolas Sarkozy a maintenu sa volonté de
rendre la loi rétroactive, estimant que le principe de
non-rétroactivité placerait les délinquants dans une situation
inéquitable.
"On aura donc deux catégories de serial-violeurs :
celui qui sera libre parce qu'il a été condamné juste avant la loi, et
celui qui n'aura pas le droit de sortir parce qu'il a été condamné
juste après, déclare-t-il.
J'aimerais qu'on ne mette pas ce principe de la rétroactivité au service des criminels les plus dangereux."