La Môme oscar
photo reuters
Cinéma. Marion Cotillard a
reçu l’oscar du meilleur premier rôle féminin, hier, pour son
interprétation d’Edith Piaf, dans le film d’Olivier Dahan.
BRUNO ICHER
QUOTIDIEN : mardi 26 février 2008
A l’instant de recevoir sa statuette dorée, Marion Cotillard était
speechless.Sans voix. Après avoir empoché le Golden Globe, le Bafta (récompense du
cinéma britannique), le césar et, donc, l’oscar de la meilleure actrice
pour son interprétation dans
la Vie en rose (titre américain de
la Môme),
elle éprouvait quelque embarras à renouveler son stock de jolies
phrases pour immortaliser l’instant historique. Historique car, outre
ce grand chelem, elle est la première Française à brandir le titre
suprême depuis Simone Signoret en 1960 avec
les Chemins de la haute ville de Jack Clayton (Juliette Binoche avait reçu l’oscar du meilleur second rôle féminin pour
le Patient anglais) et qu’elle est la seule non américaine, depuis Sophia Loren en 1962 et
la Ciociara, couronnée pour un rôle dans une langue autre que l’anglais.
Larmes. Très chic dans sa robe Gaultier faite exprès pour elle,
les yeux pleins de larmes (et un peu de fatigue aussi), elle trouva
finalement ses mots pour dire son amour à cette ville de Los Angeles
«peuplée de vrais anges» et pour remercier le
«maestro» Olivier Dahan de lui avoir offert ce film qui
«a changé sa vie». Elle accède, à 32 ans, au statut de star, invitée des grands talk-shows américains (de
Good Morning America à
Oprah Winfrey) et couverte de propositions. En attendant des choix cornéliens, elle doit terminer le tournage de
Public Ennemies de Michael Mann aux côtés de Johnny Depp, avant d’enchaîner sur le film de Rob Marshall,
Nine, en compagnie d’un autre oscarisé du jour, Javier Bardem. Dix ans pile après
Taxi premier du nom, on mesure le chemin parcouru.
Il faut reconnaître que
la Vie en rose,
également standard de la variété américaine, de Dean Martin à Grace
Jones, était taillé pour les eaux internationales. Entre l’image
éternellement romantique d’un Paris populaire, le biopic poignant de
Piaf, la transformation physique de la comédienne (le maquillage a été
également récompensé par un oscar pour Didier Lavergne et Jan
Archibald) et, tout de même, la performance de la Cotillard, le film
pouvait nourrir l’espoir de se faufiler dans un marché américain réputé
impénétrable.
Sorti en avril, le film a enregistré 10 millions de dollars de recettes, assez loin tout de même des 33 millions d’
Amélie Poulain.
Si l’avenir de Marion Cotillard semble assuré pour longtemps, c’est
plus flou pour Olivier Dahan. Le réalisateur, répondant à Canal + qui
retransmettait l’événement, expliqua que ses projets se concentraient
pour l’instant à un film bientôt tourné au Kansas, peut-être avec
Sharon Stone mais qu’il n’avait pas encore décidé. Ce sera, dit-il,
«une comédie mais aussi un drame avec des scènes surréalistes».
Nous v’la beaux. L’allégresse cocardière (à laquelle s’ajoute l’oscar
du court métrage à Philippe Pollet-Villard) ne doit pas masquer la
bonne tenue de ce palmarès 2008. Les 5 829 votants de l’Academy ont
surtout plébiscité
No Country for Old Men des frères Coen, qui
rafle trois des oscars majeurs (film, réalisateur, adaptation, en plus
de l’oscar du meilleur second rôle pour Javier Bardem). Même si Todd
Haynes
(I’m not there), David Cronenberg
(les Promesses de l’ombre) ou Tim Burton
(Sweeny Todd) repartent bredouilles, les prix attribués à Daniel Day-Lewis, meilleur acteur dans
There Will Be Blood de Paul Thomas Anderson, ou Tilda Swinton, impressionnante dans
Michael Clayton de Tony Gilroy, meilleur second rôle féminin, confirmaient le bon goût de cette édition.
Bouton. Surtout, cette 80
e cérémonie de l’histoire
devait montrer au monde qu’Hollywood était tout entier sur le pont
après la grève des scénaristes qui avait bien failli tout faire
capoter. Certes, il ne manquait pas un bouton de guêtre, mais
l’ensemble manquait un peu de faste. Montages vidéo platouillards,
chorégraphies un peu figées, surprises inexistantes et publicités
grossières pendant le show. Heureusement, le maître de cérémonie était
la star télé anti-Bush Jon Stewart, moins féroce que dans son
Daily Show, mais auteur d’un monologue d’introduction très réussi. Il évoqua ainsi la prestation de Julie Christie dans
Away
from Her, «un film où une femme oublie jusqu’à l’existence de son mari.
Hillary Clinton a trouvé que c’était le film de l’année». Il passa ensuite de la pommade au parterre de stars, Day Lewis, Nicholson, Clooney, etc.
«Il
y a même Dennis Hopper. Je dis ça pour qu’il sache où il est. Ne vous
inquiétez pas, je le lui répéterai toutes les 15 minutes. Ça va bien se
passer, Dennis, vous êtes avec des amis.» Et pour finir en beauté, Jon Stewart évoqua le duel Obama-Clinton en rappelant qu’au cinéma,
«quand le président est soit un Noir soit une femme, c’est qu’un astéroïde est sur le point de heurter la statue de la Liberté». C’est bien reparti.